Voyance Positive

RÉSUMÉ DU CHAPITRE PRÉCÉDENT

Grâce à des calculs compliqués, on peut communiquer avec des sages habitant le Tibet. C'est du moins ce que l'on certifié à l'auteur qui assiste à une expérience concluante, dans les bureaux d'un grand journal du soir.

Magique et force

Cependant, je désirai en apprendre davantage sur ce mystérieux « oracle de force astrale » dont quelques initiés, à grands renforts de recommandations de silence et de discrétion, vous rebattaient les oreilles.

Et l’on me raconta alors une belle histoire, une belle histoire pour grands enfants épris de surnaturel et de merveilleux.

Les détenteurs de cette méthode extraordinaire pour converser avec les sages de la lointaine Asie étaient deux italiens... Mais pourquoi ne pas commencer comme dans les contes de ma mère l'Oye ?

Il y avait une fois un jeune homme F... —— nous ne le désignerons que par l'initiale de son nom —— qui se promenait un jour sur une route perdue de la campagne romaine. Il aimait la vie et méprisait le mystère, auquel il ne pensait même pas. Mais son naturel était bon. Il le prouva dans la circonstance suivante :

Un vieillard, un ermite en haillons, aux traits ascétiques, à la barbe blanche, était allongé, malade et blessé, sur le bord de la route, F... ému de compassion, transporta le vieil homme chez lui, le soigna de son mieux, avec une générosité, une délicatesse que l'on trouve rarement chez les jeunes gens.

Et voici où le merveilleux commence d'apparaître... Le vieil ermite guérit. Il voulut témoigner sa reconnaissance à son hôte. Mais que peut faire un vieillard, démuni de tout, en faveur d'un jeune homme ? Il ne lui donna pas un tapis enchanté, une bourse inépuisable, ni un bonnet magique, mais il lui remit un vieux manuscrit et il accompagna son cadeau des paroles suivantes :

« Je vais quitter ce pays : je n'étais d'ailleurs venu sur la terre d'Occident que pour faire pénitence. On m'appelle le « père julien » et je vais retourner au Tibet, dans le monastère où j'habite avec quelques sages, retirés du monde comme moi-même. Mais gardez précieusement ce manuscrit : Il vous prêtera assistance dans la vie et il vous permettra, si vous suivez ses préceptes, d'entrer en communication avec moi et de me demander conseil. »

Le vieil homme boucla sa besace, prit son bâton et s'éloigna sur la route.

Le jeune homme, sans curiosité, jeta le manuscrit dans le fond d'une malle, n'y pensa plus et continua sa vie.

Dix années passèrent, Le hasard conduisit F... au robuste bon sens en Égypte, où il rencontra un compatriote, aussi semblable de lui que Don Quichotte l'était de Sancho.

A... ou plutôt, pour employer le pseudonyme par lui-même choisi : Zam Bhotiva, était un grand garçon, ayant tenté différents métiers, mais assoiffé de surnaturel et hanté par le goût du merveilleux. F... lui ayant raconté son aventure, déjà lointaine avec le père Julien, Zam Bhotiva sursauta :

Quelle aubaine pour un amateur de merveilleux !

Il interrogea aussitôt son camarade sur le précieux manuscrit.

F... ne se rappelait même plus s’il le possédait toujours. Que lui importait un grimoire plein de formules mathématiques ? Enfin, il le rechercha et le retrouva sous une pile de linge.

Zam Bhotiva l'étudia fiévreusement et il acquit la conviction que le père Julien avait réellement fait un précieux cadeau au paisible F..., qui ne s'en souciait guère. Il décida son ami à utiliser la méthode de « l'oracle de force astrale » et à poser des questions aux sages mystérieux... Car il se passait cette chose bizarre : le manuscrit intéressait passionnément Zam Bhotiva, mais F..., son détenteur, était le seul qui eût le pouvoir de se servir efficacement de la méthode.

C'était là un travail sérieux : il s'agissait, en effet, d'une méthode cabalistique basée sur les nombres. On traduisait en chiffres les lettres d'une question ainsi que les lettres du prénom de celui qui posait la question. Les opérations mathématiques auxquelles devait se livrer l’infortuné F... duraient au moins trois heures, mais la réponse obtenue, la réponse du père Julien dédommageait bien, paraît-il, de la peine qu'on se donnait...

Les deux amis posèrent de nombreuses questions d'ordre à la fois spirituel et matériel. Le père Julien y répondit avec une inlassable bonne volonté et une imbattable sagesse.

— Nous sommes en possession d’un secret extraordinaire, d'un moyen cabalistique merveilleux, de la lampe d'Aladin, s'écriait Zam Bhotiva, enthousiaste comme Don Quichotte.

—— Oui, mais, répondait F... Sancho, qui passera des heures à calculer, à transformer des lettres en chiffres, à additionner, soustraire, diviser ? C'est moi...

— Nous apportons à l'humanité un secret magnifique, reprenait Zam Bhotiva - Don Quichotte. Allons à Paris, dans la Ville-Lumière !

— On nous y traitera peut-être de charlatans ! Murmurait en sourdine le prosaïque Sancho.

Le sort en fut néanmoins jeté : Nos deux Italiens s'installèrent à Paris, On y aime le merveilleux, Leur aventure eut un certain retentissement. Le rédacteur en chef d'un grand journal du soir s'intéressa à « l'oracle » et quelques personnes, journalistes, écrivains et autres expérimentèrent la méthode du vieil ermite. de la campagne romaine et se montrèrent, sinon entièrement convaincus, du moins quelque peu troublés.

Le bruit se répandit bientôt — et c'est ainsi que j'en fus informé — qu'il existait une méthode extraordinaire pour communiquer avec ces sages mystérieux, retirés dans les montagnes de l'Asie et sur lesquels des voyageurs enthousiastes ont fait des récits étranges et passionnants.

Vous pensez bien que notre couple d'Italiens ne restait pas inactif. Un oracle est fait pour être interrogé et pour répondre. C'est ce qu'estima Zam Bhotiva. F... qui remplissait dans la vie les humbles fonctions d'employé de commerce, ne partageait point l'ardente curiosité de son camarade. Il n'avait qu'une médiocre confiance dans les sages du Tibet et il aurait de beaucoup préféré écouter la radio ou jouer aux cartes que se livrer à des calculs compliqués pour la plus grande gloire de méthode astrale. Mais de tout temps Sancho a renâclé devant le travail et c'est Don Quichotte qui va de l'avant.

Zam Bhotiva, dédaignant les plaintes de son ami, questionna, questionna et requestionna. Il apprit ainsi que le père Julien faisait partie d'un groupe de trois sages. Quand il ne répondait pas lui-même il passait la parole — si l'on ose ainsi s'exprimer — à un certain Tek le Sage.

Zam Photiva, en possession d'un grand nombre de réponses constituant tout un corps de doctrine, songea à les faire connaître aux foules, sous la forme d’un volume.

Il trouva un éditeur, mais il songea qu'un tel message devait être recommandé au public français par une personnalité d'une autorité reconnue, il savait que dans tous les pays, le pavillon couvre la marchandise. Ce pavillon, il le découvrit en la personne de M. René Guénon.

René Guénon est un esprit puissant, un philosophe d'envergure, mais il est surtout destructif. Sa pensée est essentiellement négative et il s'efforce de détruire ce qui se rapproche de lui. Il a écrit un livre contre le spiritisme, il a écrit un livre contre la théosophie à laquelle il a voulu refuser même son nom de théosophie, en l'appelant le théosophisme; il a attaqué certaines doctrines hindoues, il était prêt à attaquer d'autres doctrines encore. Or, on lui demandait de construire. Il se méfia. Il promit la préface. Il l'écrivit même. Mais avant de la donner, il voulut mettre l'oracle à l'épreuve, faire passer, par le moyen de questions posées, une sorte d'examen aux trois sages lointains.

Peut-on faire passer un examen à de sages détenteurs de la vérité, à des maîtres habitant des solitudes du Tibet ? Ceci est un délicat problème.

Les réponses aux deux premières questions furent, je crois, jugées satisfaisantes par René Guénon. Les trois sages étaient bien des sages instruits, de vrais sages. Mais il leur tendit un piège. Il voulut s'assurer de leurs connaissances en langue sanscrite.

— Qu'est-ce qu'Hamsa ? leur demanda-t-il encore.

Hamsa signifie le cygne symbolique et aussi la libération de l’esprit. Mais les sages le savaient-ils ?

La réponse fut énigmatique et ne put être considérée, sous quelque aspect qu’on l'examinât que comme méprisante pour le questionneur. Elle fut à peu près celle-ci :

— Fume de la racine de chanvre dans une pipe à eau et tu sauras ce que c'est qu'Hamsa.

René Guénon,ne pouvait raisonnablement plus patronner des sages qui le conviaient lui, le grave philosophe, à fumer du chanvre dans une pipe à eau. Une rupture s'ensuivit avec Zam Bhotiva, qui se rattrapa en demandant trois préfaces pour son livre au-lieu d'une : à MM. Fernand Divoire, Maurice Magre et Marquès Rivière. Asia mysteriosa parut avec ses trois préfaces et eut un certain succès de curiosité.

— Et les Polaires ? direz-vous.

— Eh bien, ce fut justement après la publication du volume intitulé Asia mysteriosa que l'on se mit, à mots couverts, avec des clins d'œil complices, à vous parler d'un groupement secret destiné à sauver, si ce n'est l'humanité, tout au moins la France, et que ses fondateurs, Zam Bhotiva Don Quichotte et F... Sancho Pança avaient appelé : la Fraternité des Polaires.

Les sociétés secrètes jouissent dans tous les pays d’un grand succès. Les vieilles croyances puériles qui demeurent en chacun de nous, le goût des cérémonies merveilleuses et cachées trouvent à s'y développer en toute liberté.

Mais à quoi donc répondait celle des détenteurs de l'oracle de force astrale et que signifiait ce mot de « Polaire » qui vous glaçait les os ?

Vous pensez bien que lorsqu'on possède une méthode aussi précieuse que celle du père Julien, il faut l'utiliser. Nos deux, amis, venus d'Italie pour sauver la France, n'y manquèrent pas. Ils avaient pour eux une qualité remarquable qui permet de fermer les yeux sur leurs petits travers : le désintéressement.

Du fond du Tibet, à moins que ce ne soit des hauteurs de l'Himalaya, les trois sages dont le père Julien et l'excellent Tek envoyèrent à leurs correspondants parisiens des messages catastrophiques, des avertissements comminatoires. L'Occident allait être bouleversé; Paris et la France entière seraient soumis à de terribles convulsions.

Si l'oracle menaçait, il indiquait aussi un moyen de venir en aide à « l'humanité dolente », pour employer l'expression teintée d'archaïsme dont il se servait. Ce moyen, c'était la constitution d'une s0ociété secrète qui s'intitulerait la « Fraternité polaire » pour rappeler l’antique tradition nordique et dont les animateurs seraient naturellement les détenteurs de l'oracle de force astrale.

Je fus tenu régulièrement au courant de la formation des Polaires par un ami qu'enthousiasmait déjà la pensée d'appartenir à une société cachée et — qui sait, peut-être redoutable ? — et qui ne fût pas la franc-maçonnerie

Vous auriez peut-être pu croire que ce groupement constitué en plein vingtième siècle serait dépouillé des règles surannées et un peu puériles des associations dont nos grands-pères faisaient leurs délices.

Pas du tout ! Le règlement intérieur des Polaires nous reporte étrangement aux temps déjà lointains des châteaux forts et des sorciers. Il y a des mots de passe, il y a des processions symboliques, il y a des gestes rituels, il y à même des cagoules... tout comme dans le Klu-Klux-Klan...

Rien ne manque aux Polaires, pas même un grand maître. Car nos deux camarades italiens estimèrent — ou plutôt l'oracle estima — que les frères Polaires devaient respect et obéissance à un grand maître, d’une haute situation sociale et d'une autorité morale indiscutable.

Où fit un choix magnifique en la personne d'un évêque in parlibus, Mgr X..., qui avait été, disait-on, un personnage considérable à la cour pontificale.

C'était un monseigneur très « à la page ». Quoiqu'il fût parfaitement et authentiquement évêque, il n'était pas tout à fait orthodoxe, Il croyait en effet aux pouvoirs spirituels des maîtres de l'Himalaya et ne dédaignait pas d'entrer en communication avec eux, par le moyen de l'oracle de force astrale.

Par d'autres moyens aussi, d'ailleurs. Mon ami, qui faisait partie du premier noyau polaire, me raconta les débuts du groupement. On se réunissait, près du square d'Anvers, chez Monseigneur, On faisait la chaîne magiques. Monseigneur, qui portait toujours un masque, se tenait au milieu avec un médium. Lorsque celui-ci entrait en transe, il se rendait sur la volonté expresse dé l'évêque et grâce à la force des frères Polaires, sur les hauteurs de l'Himalaya, et il décrivait sa visite aux trois sages que Zam Bhotiva, toujours présent, évidemment, appelait gentiment et familièrement: les Petites lumières. Le médium décrivait le logis du père Julien et de ses compagnons, et il se faisait l'écho de leurs entretiens et de leurs recommandations les plus strictes.

Les « Polaires » n'étaient plus un groupement chimérique, c'était une société très sérieusement organisée, sans doute travaillaient-ils, comme ils le prétendaient, pour le bien de l'humanité « dolente ». Mais quelques hommes fortunés travaillèrent aussi pour le bien des Polaires eux-mêmes, car « l'oracle de force astrale » eut bientôt son temple. Il ne valait sans doute point celui de la Pythie de Delphes; il était néanmoins confortablement installé dans un bel immeuble de l'avenue Junot, où habitait — comme de juste — l'animateur enthousiaste, Zam Bhotiva-Don Quichotte.

Les « Polaires » avaient désormais pignon sur rue; des frères et des sœurs y étaient affiliés; des mécènes généreux signaient les chèques indispensables, Et il faut reconnaître, à la juste gloire des fondateurs, que ceux-ci distribuaient généreusement des subsides à leurs compagnons dans le besoin.

Gringoire, 24 août 1934

René Thimmy

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